Comment en apprécier le caractère distinctif ?
Image issue de la copie électronique de la marque de l’Union européenne No. 14346795 (base de données de l’EUIPO “eSearch plus”)
Le Tribunal de l’Union Européenne s’est prononcé, dans un arrêt du 8 février 2019, sur l’existence ou non d’un risque de confusion entre la demande de marque de l’UE semi-figurative « CHIARA FERRAGNI » telle que reproduite ci-dessus et la marque verbale antérieure du Benelux « CHIARA », enregistrée pour des produits identiques ou similaires en classe 25.
La demande de marque « CHIARA FERRAGNI » est déposée par une société liée à l’influenceuse italienne du même nom, pour différents produits en classes 18 et 25 (sacs, valises, parapluies, vêtements, chapeaux, chaussures, etc.).
Il convient de préciser que, dans un premier temps, la Division d’Opposition de l’EUIPO a bien reconnu l’existence d’un risque de confusion entre ces deux marques, ce qui a été confirmée en appel par la quatrième Chambre de Recours.
Ce litige ayant par la suite été porté devant le Tribunal, ce dernier a procédé à une analyse approfondie de la comparaison des signes, ce qui l’a conduit aux solutions suivantes :
- En opposition avec l’approche classique de l’EUIPO, les magistrats considèrent que l’élément figuratif de la demande contestée « CHIARA FERRAGNI» est de nature à détourner l’attention du public pertinent de l’élément verbal, et ce en raison de sa position, sa taille, sa couleur ou encore son caractère hautement stylisé. Il s’ensuit que cet élément figuratif reprenant la forme d’un œil à « un impact significatif sur l’impression visuelle globale ».
- Plus important, il est en outre considéré que les deux signes en cause sont conceptuellement différents, et ce y compris pour les consommateurs percevant le terme commun « CHIARA » comme un prénom. Les juges précisent à ce titre qu’ « une similitude conceptuelle ne peut être déduite de la simple constatation que les deux marques contiennent le même prénom. En effet, la marque demandée identifie et singularise une personne spécifique, à savoir une personne membre de la famille Ferragni, alors que la marque antérieure ne renvoie qu’à un prénom sans identifier une personne précise ».
En conséquence, le Tribunal ne reconnait pas l’existence d’un risque de confusion et annule la décision de la Chambre de Recours de l’EUIPO.
Cette décision finale ne nous semble pas surprenante, compte tenu des différences existantes entre les signes. Pour autant, le constat d’absence de similitude conceptuelle va à l’encontre de la pratique habituelle de l’EUIPO en la matière, laquelle requiert qu’un minimum de similarité conceptuelle existe entre deux signes partageant un élément identique.
Il y a lieu de constater qu’un Prénom n’identifie pas précisément une personne et qu’en conséquence conceptuellement un Prénom seul est différent d’un Prénom associé à son nom patronymique.
Doit-on en conclure que les prénoms ne seront plus aussi fortement protégés, sauf à être susceptible de rendre identifiable une personne immédiatement ?
Peut-être aurait-il été plus prudent de seulement mettre en avant le fait que les noms de famille sont plus distinctifs en présence de prénoms d’usage courant.
Les juges ont bien entendu évoqué cet aspect, mais sans en faire un élément décisif. Ils ont en effet précisé que le public pertinent, à savoir les consommateurs du Benelux, mémoriseront le terme « Ferragni » en tant qu’élément plus distinctif que le prénom « Chiara ». Selon eux, le premier « est un nom de famille peu courant sur le territoire du Benelux, et plus rare que le prénom Chiara, qui (…) sera perçu comme un prénom commun italien par le public pertinent, dans la mesure où ce prénom sera connu dans les diverses versions linguistiques locales, telles que la version française (Claire) ou allemande (Klara) ».
Encore une fois, la protection offerte aux prénoms dans le cadre du droit des marques reste incertaine, que ce soit au sujet de leur signification conceptuelle ou de leur caractère distinctif.
Une vigilance renforcée est donc recommandée lors du dépôt ou de l’utilisation de marques reproduisant un tel élément.
N’hésitez pas à nous consulter, nous sommes à votre disposition pour vous accompagner dans le choix de votre marque.
L’arrêt en question est disponible via le lien suivant :
Références : Tribunal de l’UE, affaire n° T-647/17, 8 février 2019
Anaël DUVAL Juriste spécialisé en PI |
Soazig THEMOIN |