Vers une évolution du régime des inventions de salariés ?

Divers projets de lois visant à réformer le régime juridique des inventions de salariés se sont succédés ces dernières années, tous généralement très favorables aux salariés. Aucun n’est allé jusqu’au bout du processus parlementaire.

Un amendement déposé en fin d’année dernière au cours de l’examen au Sénat de la Loi de Simplification et d’Amélioration de la Qualité du Droit par le sénateur socialiste Richard Yung pourrait bien produire des effets aussi importants qu’initialement inattendus.

Le texte proposé dans cet amendement comprenait un premier volet répartissant les inventions de salariés en deux grandes catégories :
– des inventions dites de service, réalisées par le salarié dans le cadre d’une mission confiée par son employeur ou s’inscrivant dans le domaine des activités de celui-ci, ces inventions de service étant réputées appartenir à l’employeur moyennant versement d’une rémunération supplémentaire au salarié ; et
– les autres inventions, réputées appartenir au salarié.

Une telle répartition visait à simplifier la classification existante, en faisant disparaître une sous-catégorie qui, dans le régime juridique en vigueur aujourd’hui, concerne les inventions réalisées par le salarié en dehors de toute mission inventive, mais dans le cours de l’exécution de ses fonctions, ou dans le domaine des activités de l’entreprise. Ces inventions, dites « hors mission attribuables », appartiennent a priori au salarié, mais l’employeur a aujourd’hui le droit de se faire attribuer la propriété des brevets concernant ces inventions moyennant versement au salarié d’un « juste prix », usuellement 5 à 10 fois plus élevé que la rémunération supplémentaire due pour des inventions de mission selon la jurisprudence actuelle.

Le texte initialement proposé au Sénat comprenait un deuxième volet qui définissait un régime assez complexe de détermination de la rémunération supplémentaire visant à aboutir à des montants bien plus élevés que ceux pratiqués aujourd’hui, mais ce deuxième volet a été supprimé par la Commission des Lois du Sénat, au motif qu’il ne contribuait pas à simplifier le Droit et que la question de la rémunération supplémentaire relevait du dialogue social, et donc des conventions collectives et/ou des accords de branche, plutôt que de la Loi.

Le Sénat a finalement voté en décembre 2010 l’adoption du premier volet et le rejet du deuxième, transformant ainsi un texte initialement très favorable aux inventeurs salariés en un texte plus en phase avec la réalité des employeurs, puisque, selon le texte adopté, les inventions aujourd’hui considérées « hors mission attribuables » appartiendront à l’employeur moyennant versement, non plus d’un « juste prix », mais d’une rémunération supplémentaire telle que définie selon les critères déjà en vigueur aujourd’hui.

Reste à savoir si ce texte sera effectivement validé par l’Assemblée Nationale…