Bio-mimétisme et brevets d’invention

Nombre de dépôts annuels de demandes de brevets relatifs au bio mimétisme

Bio-mimétisme et brevets d’invention.

I. Les technologies bio mimétiques sont-elles brevetables ?
II. Exploration du groupe des brevets et demandes de brevets relatifs au biomimétisme
III. Cas des dépôts de brevets conjuguant bio-mimétisme et cosmétique

I. Les technologies bio mimétiques sont-elles brevetables ?

Le biomimétisme est une approche scientifique qui consiste à étudier le Vivant, voire la Nature en général, et à s’en inspirer pour créer des innovations techniques, ou même sociales.

La norme ISO18458:2015 propose une définition et une classification du domaine de la biomimétique, en distinguant notamment trois catégories :

  • La bioinspiration : approche créative basée sur l’observation des systèmes biologiques
  • La biomimétique : coopération interdisciplinaire de la biologie et de la technologie ou d’autres domaines d’innovation dans le but de résoudre des problèmes pratiques […]
  • Le bio-mimétisme : philosophie et approches conceptuelles interdisciplinaires prenant pour modèle la nature […]

Les développements ci-après concernent l’ensemble de ce domaine.

A première vue, on peut s’interroger sur la brevetabilité des innovations techniques biomimétiques : la loi sur les brevets n’exclue-t-elle pas la protection des phénomènes naturels ?

Plus précisément, la loi sur les brevets exclut du champ du brevetable les « découvertes », c’est à dire des principes et mécanismes directement issus de la Nature. Cette exclusion de principe est logique : les phénomènes naturels ne sont pas appropriables, et doivent appartenir à tous. 

Surabondamment, le brevet ne peut protéger que les moyens nouveaux, et la Nature ayant commencé à exister avant que l’Homme n’apparaisse, on pourra difficilement argumenter que les principes qu’on y puise sont nouveaux, ou résultent de l’action de l’Homme.

Pourtant, très nombreuses sont les inventions biomimétiques qui sont valablement protégées. Comment l’expliquer ?

En réalité, la doctrine des brevets a consacré le principe que les applications nouvelles de moyens connus, ou encore les combinaisons nouvelles de moyens connus constituent des sources potentielles très productrices d’inventions brevetables. Pour être brevetées, il suffit que ces applications ou ces combinaisons nouvelles s’expriment sous forme d’une « application industrielle » (c’est à dire puissent être fabriquées ou utilisées dans l’industrie – et pas seulement sous forme de principes abstraits – pour former des objets ou des procédés concrets) et ne découlent pas de façon évidente de l’état de l’art (critère d’activité inventive).

Une invention biomimétique peut donc être brevetable si elle résulte de l’apport par l’inventeur d’une solution technique nouvelle et inventive à un problème technique.  

II. Exploration du groupe des brevets et demandes de brevets relatifs au biomimétisme

En consultant les bases de brevet, qui sont publiques, comme la base Espacenet de l’Office Européen des Brevets (https://worldwide.espacenet.com/) on peut trouver des milliers de documents de brevets consacrés à des inventions biomimétiques.

Ainsi, sur la seule base d’une recherche par mots-clés, on trouve près de 10.000 documents de brevets relatifs au biomimétisme à l’échelle mondiale.

L’évolution du nombre de dépôts ces dernières années suit la courbe générale de l’inflation du nombre de demandes de brevets, avec une croissance exponentielle (voir Figure 1).

Figure 1 : nombre de dépôts annuels de demandes de brevets relatifs au bio mimétisme (approche préliminaire à base de mots-clés)

Comme pour de nombreux autres secteurs de la technologie, cette croissance exponentielle s’explique par le surgissement des inventions d’origine chinoise : depuis que l’Empire du Milieu a décidé de passer d’Atelier du Monde à une économie d’innovations technologiques et qu’il s’est donné les moyens par une législation et un système d’examen de demandes de brevet très performants, la Chine est devenue le premier pays déposant de demandes de brevets.

De fait, dans le domaine des inventions biomimétiques, la Chine est actuellement largement prédominante (cf. Figure 2)

 Les États-Unis d’Amérique ont déposé près de 10 fois moins de demandes. La Corée du Sud arrive en 3ème rang et France (au 9ème rang) est deux fois moins productive de l’Allemagne ou l’Inde.

Top 18 des pays produisant le plus de demandes de brevets portant sur des inventions biomimétiques

Figure 2 : Top 18 des pays produisant le plus de demandes de brevets portant sur des inventions biomimétiques

Si on regarde l’identité des principaux déposants mondiaux, ce sont quelques universités chinoises qui tiennent le haut du pavé (cf. Figure 3).

Principaux déposants de demandes de brevets de biomimétisme

Figure 3 : Principaux déposants de demandes de brevets de bio mimétisme

Pour les chercheurs et les inventeurs qui s’intéressent au biomimétisme, il est certainement très utile d’aller consulter ce que les universités chinoises cherchent à breveter. A noter que certaines bases de brevets possèdent des traducteurs automatiques qui permettent de se faire une première idée du contenu de ces documents chinois.

Il n’est pas exclu que la qualité soit très hétérogène, le gouvernement chinois ayant récemment supprimé un système de récompenses et de subventions aux dépôts de brevet qui était parfois détourné, et ayant commencé à faire la chasse aux brevets médiocres ou purement honorifiques. Mais attention : l’arbre des fausses innovations ne doit pas cacher la forêt des vraies inventions, et l’effort de R&D chinois est réellement très substantiel, ce qui se retrouve dans de nombreux brevets de qualité. 

Quand on analyse, à partir de la CIB (Classification Internationale des Brevets), les domaines techniques dans lesquels les 10.000 documents de brevets relatifs au biomimétisme ont été déposés (Figure 4), on constate que les sujets principaux sont les technologies médicales (pour 20% environ des familles de brevets), le transport (pour 15% environ) et les machines spéciales (pour 10% environ).

Principaux domaines technologiques dans lesquels ont été déposés les demandes de brevets relatives au biomimétisme

Figure 4 : principaux domaines technologiques dans lesquels ont été déposés les demandes de brevets relatives au biomimétisme

 III. Cas des dépôts de brevets conjuguant bio-mimétisme et cosmétique

Dans le secteur spécifique de la cosmétique (1,5% environ des documents de brevets présélectionnés), ce ne sont pas moins de 146 familles de brevets qui ont un lien avec le bio-mimétisme. Là encore, ce sont les familles de brevets d’origine chinoise qui arrivent au premier rang dans le classement par pays d’origine (Figure 5).

Pays d’origine des publications de brevets appliquant le biomimétisme au secteur de la cosmétique

Figure 5 : Pays d’origine des publications de brevets appliquant le biomimétisme au secteur de la cosmétique

En revanche, si on recherche le classement du Top 10 des déposants, la figure 6 montre que les déposants européens sont plus impliqués que les déposants chinois, reflétant ainsi l’importance de l’activité européenne dans la cosmétique.

Premiers déposants de demandes de brevet liées au bio-mimétisme dans la cosmétique

Figure 6 : Premiers déposants de demandes de brevet liées au bio-mimétisme dans la cosmétique

Quelques exemples de ces inventions faisant l’objet d’une demande de brevet :

EP3145480 – Utilisation d’un peptide biomimétique au sein d’une préparation cosmétique et/ou dermatologique extemporanée

CN109846757 – Sébum biomimétique entrant dans la composition d’un produit cosmétique hydratant

KR10-1193606 – Composition cosmétique contenant un surfactant biomimétique pour améliorer la pénétration de la peau.

EP 3761950 – Composé hybride biomimétique agissant comme activateur du protéasome – activité anti-âge.

KR10-1578408 – Composition cosmétique comprenant un complexe biomimétique imitant les larmes. Action d’hydratation, de soulagement de l’inflammation et de l’irritation de la peau

FR3052979 – Composition cosmétique contenant huile d’argan, extrait d’algues et de myrte. L’extrait d’algues agit en tant que biomimétique du collagène et limite sa dégradation (effet anti-âge).

La présentation de ce sujet réalisée lors de l’évènement Cosming 2021 à Saint-Malo le 7 décembre 2021 illustre ce champ des brevets et demandes de brevets couvrant des technologies de biomimétisme.