Brevets « verts »

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Le consensus scientifique sur le fait que le climat mondial change, ainsi que d’autres aspects de la dégradation de l’environnement, en raison du comportement humain est fermement établi, et la technologie doit sans aucun doute contribuer à inverser cette tendance. L’une des principales justifications de l’existence du système des brevets est qu’il encourage l’innovation technique, notamment parce qu’il entraîne la publication d’informations qui, autrement, resteraient secrètes, enrichissant ainsi le stock d’informations disponibles pour stimuler l’innovation. Dans les domaines où l’innovation est requise de toute urgence, il semble évident d’adapter le système des brevets pour encourager davantage les demandes, et donc la divulgation, dans ces domaines.

 

Lorsque l’on examine les initiatives possibles pour encourager l’innovation verte par le biais d’une augmentation du nombre de brevets, il convient d’étudier les incitations qui pourraient être perçues comme ayant de la valeur pour les titulaires de brevets. Les principales initiatives concrètes qui ont été mises en œuvre jusqu’à présent concernent généralement l’accélération de la procédure d’examen. Bien que les brevetés trouvent souvent que la procédure de brevet est longue, il n’est pas certain qu’ils soient fortement incités par une procédure plus courte dans la mesure où cela n’a pas d’impact sur les coûts globaux – en effet, ils sont tout aussi susceptibles de préférer que les coûts soient étalés sur une longue période. On pourrait suggérer une réduction des taxes officielles pour les brevets verts, mais les taxes officielles représentent une part relativement faible du coût global d’acquisition d’un brevet et il est peu probable qu’elles aient un impact important sur les dépôts de brevets.

 

Parallèlement à la question de l’encouragement de l’innovation, il faut tenir compte de l’effet dissuasif possible de l’augmentation du nombre de brevets, qui fait qu’il devient difficile de lancer un nouveau produit « vert » tout en étant confronté à un paysage de brevets très dense. Il est clair qu’encourager l’innovation tout en décourageant l’adoption irait à l’encontre de l’objectif de l’exercice. Il a été suggéré de réduire la période de protection des brevets protégeant des innovations « vertes », mais cela aura bien sûr un effet dissuasif sur le dépôt d’une demande de brevet.

 

Les nouveaux brevetés sont souvent déçus de découvrir qu’ils sont livrés à eux-mêmes en ce qui concerne l’application de leurs droits. Je suggère la mise en place d’un programme comparable à la Strategic GPL Enforcement Initiative du Software Freedom Conservancy, qui établirait des accords de licence avec les titulaires de brevets en vertu desquels, en échange d’un engagement à concéder une licence sur leur brevet à des conditions FRAND pour les innovations « vertes », les bénéficiaires recevraient un soutien gratuit en matière de litiges et de négociations à l’encontre des contrefacteurs. Ce programme pourrait être financé par des contributions des États, des entreprises et éventuellement par une contribution provenant des revenus des licences et/ou des dommages-intérêts accordés. Le programme pourrait également servir de médiateur pour la définition des termes FRAND.

 

On peut espérer que la disponibilité de ce service visant à garantir une rémunération équitable pour le développement et la divulgation de technologies vertes encouragera les innovateurs à chercher à breveter leurs inventions.

 

Bien entendu, certains titulaires pourraient être découragés par la perte d’exclusivité que cette approche implique. Il faut garder à l’esprit que pour une PME qui n’a pas les moyens de faire respecter ses droits, cette exclusivité est souvent illusoire dans la pratique, et que la jurisprudence a tendance, dans de nombreuses juridictions, à éviter les injonctions absolues (par exemple eBay vs MercExchange aux États-Unis). L’adhésion au programme proposé sera en tout état de cause volontaire de la part du breveté, bien que des règles préférentielles puissent être imaginées pour encourager une adhésion précoce, par exemple à partir de la date de publication de la demande de brevet, plutôt qu’à partir de la détection d’une contrefaçon. Les offices de brevets pourraient adapter leurs procédures pour attirer l’attention des brevetés sur cette option.

 

Cette approche présente l’avantage supplémentaire d’être indépendante du droit des brevets de chaque État, de sorte qu’elle pourrait être mise en place sans délai, même si une coopération internationale en matière de financement sera sans aucun doute nécessaire pour une mise en œuvre complète. Il s’agit certainement d’une occasion pour les États du premier monde d’apporter une contribution tangible à la lutte contre le changement climatique.

 

Une autre question concerne la délimitation des brevets classés comme verts à ces fins. Bien qu’une telle délimitation soit nécessaire pour justifier le traitement préférentiel accordé à cette catégorie, elle est en pratique difficile à établir. Les stratégies de recherche ENVTECH adoptées par l’OCDE définissent environ 80 domaines techniques pertinents pour la préservation de l’environnement, en se basant largement sur les clés de classification Y02 définies dans le système ECLA de l’OEB. Une approche pourrait consister à considérer ces classifications comme définitives en ce qui concerne le statut écologique d’un brevet. L’engagement des offices de brevets peut être sollicité pour garantir une approche cohérente d’un office à l’autre et pour prévoir un mécanisme de révision permettant des classifications a posteriori à la demande du titulaire du brevet.

 

On peut espérer qu’un système de ce type fonctionnerait dans l’intérêt des titulaires de brevets et de la société dans son ensemble, en vue de mieux exploiter l’innovation technique pour résoudre les problèmes environnementaux.