Les dernières directives de l’USPTO sur l’IA

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Le 12 février 2024, l’USPTO a publié des lignes directrices sur le brevetage des inventions développées avec la contribution de l’intelligence artificielle.

Ces directives proviennent de l’affaire Thaler c. Vidal, l’une d’une série de cas types examinés par les tribunaux et les offices de brevets du monde entier en réponse à une demande de brevet déposée par Stephan Thaler déclarant que seul le système DABUS AI est un inventeur. La Cour suprême des États-Unis a confirmé qu’un inventeur doit être une personne physique, et les nouvelles directives explorent les implications de cette décision.

Plus précisément, l’USPTO estime que dans la mesure où une invention provient d’une IA dans une certaine mesure, la contribution de l’IA est pondérée avec d’autres (humaine) les contributeurs de la même manière que les contributions relatives de divers contributeurs humains pour déterminer lesquels devraient être désignés comme inventeurs. Les facteurs sous-jacents à cette analyse sont appelés le facteur Pannu, selon lequel chaque inventeur doit :
(1) contribuer de manière significative à la conception ou à la réduction de la pratique de l’invention (éd. au sens de l’une des revendications),
(2) apporter à l’invention revendiquée une contribution de qualité non négligeable, lorsque cette contribution est mesurée par rapport à la dimension de l’invention complète, et
(3) faire plus que simplement expliquer aux inventeurs réels des concepts bien connus et/ou l’état actuel de la technique

À partir de ce moment, l’USPTO considère que l’implication de l’IA n’exclut pas la protection par brevet tant qu’au moins une personne physique peut être correctement identifiée comme inventeur au vu des facteurs de Pannu, mais que de nombreux scénarios d’interaction communs peuvent néanmoins ne pas justifier l’identification de cette personne.

En particulier, si l’on considère une interaction séquentielle partant de l’apport humain et résultant en une sortie orientée de l’IA, le simple fait de reconnaître un problème et de l’introduire dans une IA pour obtenir une solution ne justifiera généralement pas qu’une personne soit reconnue comme un inventeur, bien qu’une construction minutieuse du langage rapide afin de guider l’IA vers une solution significative puisse éliminer cet obstacle.

Du côté de la sortie, une personne qui reconnaît une utilité particulière dans la sortie d’un système d’IA comme une invention, en particulier lorsque les propriétés et l’utilité de la sortie sont apparentes à ceux de la compétence ordinaire, n’est pas nécessairement un inventeur, bien que l’exécution de travaux importants pour rendre le produit opérationnel ou pour déterminer l’efficacité puisse justifier la désignation d’une personne comme inventeur.

Dans certaines situations, la personne(s) physique(s) qui conçoit, construit ou forme un système d’IA en vue d’un problème spécifique pour obtenir une solution particulière pourrait être un inventeur, où la conception, la construction, ou la formation du système d’IA est une contribution significative à l’invention créée avec le système d’IA. D’autre part, une personne qui possède ou supervise simplement un système d’IA qui est utilisé dans la création d’une invention, ne fait pas de cette personne un inventeur.

Ces considérations ont des répercussions très tangibles pour les inventeurs et les brevetés. Il est maintenant nécessaire de documenter et d’évaluer toute implication de l’IA dans le processus d’invention, tout d’abord pour s’assurer qu’un brevet peut être correctement déposé (aux États-Unis, si nécessaire), c.-à-d. avec un inventeur humain dûment désigné, et, deuxièmement, afin qu’en cas de doute sur la validité de la désignation d’un inventeur à l’avenir, on dispose de suffisamment de détails quant à leur contribution pour démontrer qu’ils ont apporté la « contribution substantielle » exigée par l’USPTO.

Certains commentateurs recommandent maintenant une question explicite « Avez-vous utilisé l’IA dans le développement de cette invention et, le cas échéant, comment » dans Invention Disclosures. Bien sûr, une telle approche augmente le risque que les inventeurs fassent des déclarations sans apprécier correctement la signification de leurs réponses ou la signification juridique particulière des termes utilisés, d’une manière qui pourrait ultérieurement nuire à la validité de tout brevet américain. Quoi qu’il en soit, il est clair que les brevetés ou leurs représentants seront bien avisés d’évaluer ces questions et de consigner les faits retenus et les conclusions qui en découlent au cours du processus d’évaluation de l’invention.

Il convient de souligner que les lignes directrices actuelles soulèvent de nombreuses questions, depuis les questions de vocabulaire de base (qu’est-ce qu’un « système d’IA », de toute façon?) jusqu’aux politiques fondamentales. (les lignes directrices impliquent une catégorie croissante d’inventions où aucun inventeur humain ne peut être désigné – le DABUS est peut-être le premier exemple – comment les investissements dans la génération de telles inventions et leur divulgation au public sont-ils incités, sinon par des brevets?). L’orientation de l’USPTO est extrapolée principalement à partir de la jurisprudence qui n’a pas anticipé son application dans ce contexte particulier, et il se pourrait bien que les tribunaux américains développent de nouvelles lignes de raisonnement au vu de ces considérations politiques.

Nous pouvons nous attendre à d’autres développements sur ces points. En effet, il sera intéressant de voir dans quelle mesure d’autres offices de brevets importants suivent l’approche de l’USPTO. De nouvelles lignes directrices de l’OEB doivent entrer en vigueur le 1er mars 2024 pour traiter de certaines considérations spécifiques à l’IA, mais elles ne sont pas censées aller au-delà de l’exigence de base selon laquelle un inventeur est une personne physique compte tenu de la décision parallèle DABUS. Surveillez cet espace pour les développements futurs.