Maintenir une protection par modèle sur un Design qui évolue : Les enseignements de la décision visant l’iconique Design de la Porsche 911 !

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Maintenir une protection par modèle sur un Design qui évolue :       

Les enseignements de la décision visant l’iconique Design de la  Porsche 911 !

 

 

wikipedia.com

Le Tribunal de l’UE confirme l’annulation du modèle communautaire déposé pour protéger l’évolution de la ligne de la Porsche 911, au motif de l’absence de caractère individuel de cette nouvelle ligne.

Quelle protection rechercher pour les fines évolutions apportées aux formes iconiques ?

En l’espèce, la société Porsche AG a déposé auprès de l’EUIPO un modèle communautaire portant sur une dernières séries de sa mythique Porsche 911, constitué notamment des vues suivantes :

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L’évolution de la ligne d’un modèle iconique est toujours fine, et laisse au produit ses traits majeurs, lesquels sont souhaités par le client. La protection recherchée portait donc sur les éléments créant l’évolution.

Autec AG, est un fabricant de voitures miniatures (http://www.autec-ag.de/) qui engage une action en nullité à l’encontre de ce nouveau modèle communautaire, et invoque pour ce faire les modèles précédemment déposés par Porsche AG sur les précédentes versions de la Porsche 911 :

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L’EUIPO et sa Chambre de Recours accueillent favorablement ces antériorités, et considèrent qu’elles détruisent le caractère individuel du modèle contesté, à savoir : la nouvelle ligne de l’iconique véhicule !

Le Tribunal de l’Union Européenne saisit de l’affaire, conclut de la manière suivante :

  1. L’utilisateur averti est bien l’utilisateur d’automobiles en général

Porsche AG avançait en effet que l’utilisateur averti à prendre en considération est l’amateur de Porsche 911, ce dernier étant à même de détecter les différences de design entre deux séries.

Les magistrats refusent de suivre ce raisonnement, et précisent qu’il convient de considérer « la catégorie de produits et non pas le produit concrètement visé » pour procéder à l’analyse.  

Le Tribunal précise que l’utilisateur averti, personnage fictif auprès duquel doit s’apprécier le caractère individuel, « n’est ni un expert technique ni un spécialiste du design ». C’est davantage le cas lorsque l’utilisateur averti est celui des automobiles et non des véhicules Porsche 911.

  1. L’impératif marketing de conserver le design de l’icône ne peut pas limiter la liberté du créateur

Porsche AG soutenait que la faible évolution du design sur les différentes séries tenait simplement dans le fait que les consommateurs souhaitaient « retrouver » la forme « iconique » de ce modèle.

Les juges rappellent à ce sujet « qu’une tendance générale en matière de design, laquelle est susceptible de répondre aux attentes des consommateurs intéressés, ne pouvait pas être considérée comme un facteur de limitation de la liberté du créateur ».

La liberté du créateur dans la réalisation du dessin ou modèle peut être conditionnée par des contraintes techniques (présence de roues, de phares, d’un pare-brise, etc.) ou légales (espace pour la plaque d’immatriculation, dimension des pneus, etc.), et pas par un impératif marketing.

  1. Les dessins ou modèles comparés présentent bien une même impression globale

Si l’ensemble des différences qui pourraient être relevées (forme et agencement des feux, des pare-chocs, du capot arrière, taille des roues…) « peuvent renforcer l’impression d’un renouveau dans les détails, elles n’apparaissent pas, toutefois, suffisamment marquées pour remettre en cause l’impression de similitude globale existant entre les vues de ces modèles, eu égard à la structure générale très similaire des modèles en conflit, lesquels coïncident largement dans leur forme et leur silhouette respective ».

Clairement, les magistrats rappellent ici que la protection par modèle est temporaire et qu’ils souhaitent éviter que cette protection puisse être artificiellement prolongée par un « re-dépôt » du même design simplement « modernisé ».

En creux, cet arrêt révèle l’attention très particulière qu’il convient de porter à la sélection du droit de propriété intellectuelle pertinent pour protéger une simple évolution d’un Design racé et caractéristique.

Le dépôt d’un nouveau modèle doit systématiquement être pensé via l’analyse des dernières évolutions stylistiques du produit.

Surtout, les autres droits de PI ne doivent pas être omis de la stratégie de protection du Design : les designs iconiques peuvent constituer de belles marques 3D, et les droits d’auteur offrent une protection plus longue.

Cette décision est désormais définitive, Porsche AG n’ayant pas su convaincre la chambre d’admission des pourvois de la CJUE, qui a rejeté le recours formé au motif que n’était pas apportée la preuve que les questions soulevées étaient importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

N’hésitez pas à nous consulter, nous sommes à votre disposition pour vous accompagner dans le cadre de la protection de vos créations et le choix du droit de propriété intellectuelle adapté.   

L’arrêt en question est disponible via le lien suivant :

http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=214771&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=4706760

Références : Tribunal de l’UE, affaire n° T-209/18, 6 juin 2019

Anaël DUVAL

Juriste spécialisé en PI

Soazig THEMOIN
Associée

CPI, Mandataire Européen en Marques et Modèles